Proposition de loi Valletoux
Quand le dogme de la régulation menace l’accès aux soins
Ce début de semaine, la proposition de loi du député Valletoux visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement des professionnels a été examinée en commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale.
Débats superficiels, méconnaissance du terrain, volonté systématique de contraindre, dévalorisation de l’engagement des médecins libéraux, amendements cosmétiques ne répondant pas à l’urgence de la situation : alors que les difficultés sont de plus en plus prégnantes pour la population, l’ANEMF, représentant les étudiants en médecine, l’ISNAR-IMG représentant les internes en médecine générale et ReAGJIR représentant les jeunes médecins généralistes, tirent la sonnette d’alarme.
Faute d’idées pour améliorer rapidement et efficacement l’accès aux soins de la population, nombreux sont les élus tentés de glisser vers une régulation à l’installation des médecins. Présentée par certains comme un remède à une carence médicale attestée, nous rappelons qu’il s’agit d’une chimère qui pénaliserait la population en interdisant des installations potentielles, alors que celles-ci se raréfient déjà au profit d’autres modes d’exercice plus lucratifs et moins contraignants.
Loin d’être une lubie corporatiste, cet avis est étayé par des données unanimes :
- La DREES souligne que dans un contexte d’effectif insuffisant, limiter les installations dans les zones mieux dotées ne suffirait pas à la couverture des besoins dans les zones moins attractives et que la contrainte à l’installation entraînerait un turnover de médecins inexpérimentés nuisant à la continuité des soins[1].
- L’IRDES explique que la régulation à l’installation n’est pas la solution au vu de la dynamique démographique des médecins et du risque de contournement par d’autres modes d’exercice[2].
- Le Sénat rapportait déjà en 2017 que la régulation mise en place en Allemagne contribue à détourner les médecins vers d’autres modes d’exercice[3].
Pourtant, de vraies solutions existent :
- Libérer immédiatement du temps médical : des milliers de consultations supplémentaires pour soigner plutôt que de répondre à des demandes administratives superflues[4] ;
- Améliorer les conditions de travail des médecins en zone sous-dotée : organisation et financement du remplacement, accès facilité à la formation continue ;
- Redonner de l’attractivité à l’exercice libéral dans le cadre des négociations conventionnelles dont la reprise est attendue par tous ;
- Simplifier la coordination des acteurs et l’exercice d’équipe, et non contraindre à des collaborations forcées ;
- Accompagner à l’installation, notamment avec le guichet unique adopté dans la LFSS 2023 et dont le déploiement doit désormais se faire avec les premiers concernés[5] ;
- Engager un véritable virage ambulatoire de la formation : valorisation de la maîtrise de stage, aides au transport et à l’hébergement des étudiants au sein des territoires.
Nous portons toutes ces propositions qui mobilisent les différents leviers nécessaires pour faciliter l’accès aux soins depuis des années[6], et nous continuerons à les porter par nos amendements à cette proposition de loi, notamment lors de la séance publique du 12 au 15 juin.
Sortons des prises de positions démagogiques !
Nous appelons les députés à un sursaut de lucidité : espérer améliorer l’accès aux soins par la contrainte sur ceux qui s’engagent déjà sur le terrain auprès des patients et aux côtés des autres soignants est illusoire.
Yaël THOMAS Président de l’ANEMF 06 50 38 64 94 | Raphaël PRESNEAU Président de l’ISNAR-IMG 06 73 07 53 01 | Elise FRAIH Présidente de ReAGJIR 06 42 18 40 14 |
[1]DREES “Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques – Les leçons de la littérature internationale” décembre 2021
[2] Le généraliste “Faut-il s’inspirer du zonage infirmier pour réguler l’installation des médecins généralistes ?” octobre 2022
[3] Jean-Noël CARDOUX et Yves DAUDIGNY “Rapport d’information fait au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de la commission des affaires sociales sur les mesures incitatives au développement de l’offre de soins primaires dans les zones sous-dotées” juillet 2017
[4] Collège de la Médecine Générale certificats-absurdes.fr
[5] ISNAR-IMG, ReAGJIR “Guichet unique départemental d’accompagnement à l’installation : Proposition de recommandations” mars 2023
[6] ANEMF, ISNAR-IMG, ReAGJIR “Contre la fin de la liberté d’installation, jeunes et futurs médecins proposent des solutions” avril 2022